L’art de la sépulture est un soin accordé aux défunts que l’on retrouve dans la quasi totalité des communautés à travers les âges et les océans. Les différences et les similitudes qu’on y retrouve fascinent et nous apportent un regard différent sur la gestion de la mort au sein d’un groupe d’individus. Nous nous intéressons aujourd’hui au plus ancien cimetière juif d’Europe connu à ce jour, celui de Worms, une petite ville allemande située entre Francfort et Stuttgart.
Un lieu d’inhumation dédié
C’est aux XIème et XIIème siècles qu’apparaissent en Occident les premiers cimetières juifs. Alors que les chrétiens inhument désormais leurs défunts dans la terre consacrée entourant leur église paroissiale, les communautés juives se dotent également d’espaces funéraires réservés, que les documents latins qualifient aussi de « cimetières ». Ainsi, lorsque l’évêque de Spire accueille dans sa ville les juifs de Mayence dont le quartier a brûlé en 1084, il estime nécessaire de leur donner une terre « pour un cimetière ». Dans la période précédente, le choix du lieu d’inhumation semble avoir été libre et multiple. Sépultures chrétiennes et juives pouvaient d’ailleurs se jouxter.
Un repos au vert
Destinés aux communautés urbaines, les cimetières juifs étaient toujours situés hors les murs de la ville, sur un sol vierge, comme le prescrit la Michna. Ils n’étaient pas non plus liés aux synagogues. Le développement de l’archéologie dans les années 1990 a permis l’étude de plusieurs d’entre eux, notamment en Angleterre, comme l’atteste la fouille des 482 sépultures juives de York, établies sur une terre achetée à l’extérieur de la ville en 1177, et surtout en Espagne, avec les sites de Tolède et de Montjuic à Barcelone.
L’optimisation des espaces
Comme le relève l’archéologue Philippe Blanchard, leur physionomie diffère fortement de celle des cimetières chrétiens : les corps ne pouvant être déplacés ni manipulés d’une manière ou d’une autre après le décès, les tombes étaient espacées les unes par rapport aux autres, souvent organisées en rangées, et, contrairement à la situation ordinaire au sein de la « terre cimetériale » des chrétiens, les recoupements étaient tout à fait exceptionnels. Les sépultures étaient signalées en surface par des stèles ou des dalles. Lorsque l’espace venait à manquer pour accueillir de nouvelles dépouilles, un apport de remblais permettait d’inhumer les corps sur plusieurs niveaux, sans bouleverser les squelettes en place.
Source : L’Histoire, Vivre Avec Les Morts, N°473-474