Le deuil après une maladie ou un accident est une période difficile mais celui après un suicide laisse souvent place à une incompréhension, en plus de la douleur. Parent, enfant, conjoint ou ami, le suicide rend le deuil « à part ». Quelles sont les conséquences psychologiques de cet acte ?

Quand la paix recherchée fait tout basculer

Seule issue envisagée, trop plein face aux problèmes rencontrés, perte de tout espoir… le suicide apparaît sûrement comme la seule solution envisageable pour celles et ceux qui font ce choix. Le suicide comme seule issue à leur souffrance, les suicidés ne réalisent pas forcément que cette paix recherchée a un terrible prix pour leurs proches, qui vont plonger dans un effroyable tourment qui peut durer des années.

Un deuil traumatique

Comme nous l’évoquions en début d’article, le deuil après un suicide est un deuil à part car ce deuil est traumatique. En effet, dans la moitié des cas, le suicide se déroule au domicile et ce sont donc les proches qui font la terrible découverte du corps sans vie de leur père, leur mère, leur enfant ou leur conjoint. Une découverte qui donne souvent lieu à un syndrome de SPT (Stress Post-Traumatique) – état de stress chronique et flashbacks de la découverte, notamment. Difficile, dans ses conditions, de tourner la page et d’accepter la disparition de l’être aimé.

La culpabilité

La culpabilité est souvent d’une forte intensité chez les proches de suicidés.
« Pourquoi ? », telle est la question qui revient sans cesse. Une question à laquelle aucun proche n’échappe. Une véritable quête se met alors en place : on se repasse sans cesse les conversations, les signes, les courriers, appels, emails. Mille et une hypothèses font surface sans jamais connaître la raison profonde de ce geste bien trop souvent incompréhensible de l’extérieur. Une quête qui peut durer des années mais fait partie du travail de deuil, jusqu’à l’acceptation du fait que les proches ne trouveront jamais de réponses sûres et définitives.
Plus encore que n’importe quelle mort, le suicide laisse apparaître une notion de « faute » chez les proches : qu’a-t-on fait ou n’a-t-on pas fait ? vu ou pas vu ? Aurait-on pu faire autrement ? Une culpabilité qui donne souvent lieu à des interdits : « je n’ai pas le droit d’être heureux / de rire / de m’amuser car mon fils / mon conjoint / mon parent s’est suicidé ».
Une punition que les proches s’infligent à eux-mêmes qui peut parfois aller jusqu’à l’acte ultime de se donner la mort à son tour, dans d’extrêmes cas de punition. Il a en effet été reconnu que le deuil après suicide est un facteur de risque d’augmentation du risque suicidaire chez les proches. Sans pour autant aller jusqu’au passage à l’acte. Un suivi psychologique par un professionnel doit bien souvent être envisagé.

 

Un risque dépressif important

L’entourage endeuillé d’une personne suicidée est plus facilement enclin à la dépression. En effet, une baisse sévère de l’estime de soi, une forte remise en question de l’amour donné au défunt (qui n’a pas semblé « suffisant »), sont autant de sentiments violents qui nourrissent un sentiment d’échec personnel.
Le suicide entraine également une perte de sens dans l’existence de l’entourage : futilité de l’existence, perte de repères par rapport à ce qui guidait les choix et décisions, abandon de projets… L’entourage peut alors avoir du mal à réinvestir leur existence après le deuil, qui se transforme alors en dépression.

 

Un mélange d’émotions

Les personnes endeuillées après un suicide peuvent ressentir de nombreuses émotions, parfois très contradictoires et donc difficile à accepter.
La famille peut notamment ressentir de la honte et une peur de la stigmatisation, en particulier pour les personnes ayant vécu une stigmatisation sociale au cours de leur vie. Les proches peuvent s’auto-exclus de tout groupe de soutien (amicaux, associatif, professionnels) car ils estiment ne pas le mériter, puisqu’eux-mêmes n’ont pas su aider leur proche. Le sentiment de honte, lui, peut mener au silence, car on n’ose pas en parler – souvent par culpabilité et peur d’être jugé comme « incompétent » face à la détresse d'un proche.
La colère est souvent très présente : face à la violence de l’acte, nous ripostons souvent par la colère. Cette colère peut se manifester par la recherche de « coupables » (médecins, collègues, conjoint, voire soi-même) mais également envers le suicidé.
Parfois difficile à reconnaître et à assumer, le soulagement peut également être ressenti. Pour les suicides liés à des troubles profonds, comme l’alcoolisme sévère, à la suite de nombreuses tentatives de suicide, d’hospitalisations multiples en psychiatrie, etc. Le suicide est alors perçu comme la fin d’un calvaire ayant souvent durer de nombreuses années. Mais ce sentiment est souvent culpabilisant et donne lieu à une véritable ambivalence entre le sentiment de soulagement, lié à la fin du calvaire, et la peine liée à la perte d’un être aimé.
La peur est également présente. Beaucoup de proches reconnaissent vivre dans la peur d’un nouveau suicide. Dans le cas où c’est le conjoint, ou la conjointe, qui s’est suicidé, on peut également avoir peur d’aimer à nouveau et de faire confiance. Pour les parents, une grande remise en question sur l’éducation donnée peut donner lieu à la peur du passage à l’acte d’un autre enfant.

Le suicide provoque une véritable catastrophe pour l’entourage, de par sa violence et son caractère souvent « soudain ». Mélange d’émotions contradictoire, deuil plus difficile à faire… il est souvent proposer un accompagnement psychologique aux proches de suicidés afin de les aider à comprendre, dans la mesure du possible, à accepter l’acte commis et l’ensemble des sentiments ressentis.

 

Sources : www.lexpress.fr et www.deuilapressuicide.fr